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Science Friction

août
2012

240' avec pauses et bar à disposition

Science Friction vise à donner des occasions de saisir un processus créatif en cours d’élaboration. L’intention n’est donc pas de présenter des performances dans leur état finalisé, mais plutôt d’ouvrir une brèche qui laisse entrevoir la phase exploratoire d’un projet artistique. L’idée est d’offrir un lieu et un temps donné pour permettre à tout un chacun de comprendre ces étapes où l’artiste doit négocier avec tous les possibles. Cette session se divise en quatre parties. Chacune accueille une proposition issue du programme de recherche de la Manufacture qui met en relation un metteur en scène et un scientifique.

Médée/Fukushima rassemble Fabrice Gorgerat et l’ethnologue-physicien Yoann Moreau, spécialiste des catastrophes. Héritage sans testament témoigne du dialogue entre Vincent Brayer et Jitka Pelechova, spécialisée en études théâtrales. Avec Humanizoos-nous! Cédric Djedje, les historiens Nicolas Bancel, Vincent Barras et Patrick Minder s’intéressent à la question des exhibitions humaines. Dans Le baiser et la morsure, Guillaume Béguin et l’éthologue Erik Gustafsson développent une analyse de la communication des chimpanzés entre eux.

Médée/Fukushima
Fabrice Gorgerat

Les événements nucléaires – l’explosion des réacteurs de Fukushima et celui de Tchernobyl un quart de siècle auparavant – ne sont que la partie émergée d’un spectacle qui ne se réduit pas à la scène ukrainienne ou nippone. Les éléments radioactifs se dispersent progressivement et imprègnent toutes les matières. Ils pénètrent dans l’atmosphère, les océans et les terres, les poissons, les arbres, les oiseaux, les champignons, les fleurs, le bleu du ciel et les esprits. La contamination n’est pas uniquement physico-chimique, réduite à un impact sur les matières vivantes, elle ronge et dégrade également le bien-être moral, la relation symbolique que nous entretenons avec le monde.

Le travail que nous menons sur Fukushima – travail d’analyse scientifique et de mise en scène – traite conjointement de la charge matérielle et symbolique des aléas nucléaires. L’environnement est contaminé autant que notre imaginaire. La contamination est à la fois rationnelle et émotionnelle. À l’interface du travail académique et de la dramaturgie théâtrale, de la science et de la fiction, il y a place pour une "science-friction" réunie autour d’une même question: comment pouvons-nous composer avec l’angoisse générée par l’idée d’un monde devenu radioagressif? — Yoann Moreau

conception: Fabrice Gorgerat / scientifique: Yoann Moreau – ethnologue et physicien / interprétation: Fiamma Camesi, Anabel Labrodor / son: Aurélien Chouzenoux / scénographie: Estelle Rullier

 

Héritage sans testament
Vincent Brayer

Le jeu des acteurs se nourrit de différentes techniques dont ils ont hérité de manière consciente et inconsciente pour construire leurs rôles. Partant de deux mises en scène de Hamlet (Peter Zadek et Thomas Ostermeier) nous avons entrepris un chemin à rebours qui consiste à déconstruire leurs partitions théâtrales, afin d’y identifier les différents éléments de ces héritages et en nous focalisant surtout sur les legs de Meyerhold et de Brecht. À partir de ce travail, il s’est agi d’examiner certaines facettes et de les réinjecter dans le jeu des acteurs. Nous avons ainsi travaillé sur certaines techniques notoires de ces deux penseurs de théâtre: le jeu biomécanique, le contrepoint et l’otkaz, soit le refus pour le premier, le jeu distancié, le gestus et le song pour le second. À travers cette "archéologie du jeu de comédien", notre objectif était de mettre en avant le fait qu’un acteur ne crée jamais son rôle ex nihilo, mais dispose d’une vaste palette de techniques scéniques, qui lui servent d’outils pour la construction de son jeu et l’interprétation de son personnage. Ainsi, plutôt que de réinventer le jeu d’acteur, nous avons travaillé sur des pratiques héritées pour déployer de nouvelles formes d’interprétation. — Jitka Pelechovà 

conception: Vincent Brayer / scientifique: Jitka Pelechova – spécialisée en études théâtrales / interprétation: Pierre-Antoine Dubey, Joséphine Struba, Cédric Djedje, Koraline de Baere

 

Humanizoos-nous!
Cédric Djedje

"Codirecteur du programme de recherche international Zoos humains et coauteur de l’ouvrage éponyme, mon intérêt a été suscité par la volonté de traduire par le spectacle vivant le phénomène historique “Zoos humains”. Il s’agit en effet d’un pari d’une grande difficulté pour au moins deux raisons. Tout d’abord la complexité du phénomène rend son approche délicate. D’autre part il existe une réelle difficulté à traduire ce phénomène sur la scène, où le risque d’une simplification outrancière et d’une lecture binaire (pauvres victimes exhibées/monstruosité des impresarios et veulerie du public) est maximale.
Ma participation au projet était donc légitimée par mon expertise sur le sujet et aiguillonnée par ma curiosité et une certaine inquiétude. Cette participation a pris la forme d’une conférence traitant premièrement de la naissance et du développement du concept scientifique de race entre le XVIIIe et le milieu du XIXe, puis du développement du phénomène de zoo humain. Cette conférence, suivie d’un débat, fut ensuite poursuivie par des essais d’improvisation par les comédiens. Au terme des improvisations, un échange critique a eu lieu entre tous les participants pour que le travail théâtral témoigne de cette confrontation entre l’analyse et l’expérimentation. " — Nicolas Bancel 

conception: Cédric Djedje / scientifiques: Vincent Barras, Nicolas Bancel, Patrick Minder – historiens / interprétation: Claire Deutsch, Koraline de Baere, Catherine Delmar, Joséphine Struba, Aurélien Patouillard

 

Le baiser et la morsure
Guillaume Béguin

À la découverte en Europe des singes anthropoïdes, au XVIIIe siècle, les scientifiques ont considéré les vocalisations des primates comme des signaux exagérément stéréotypés et non modulables. Cependant, au cours des années 1970 des recherches développées en milieu naturel ont mis en évidence la variabilité et l’adaptabilité des signaux vocaux émis. De même, on se rendit compte de la richesse et de la complexité des signaux visuels, constitués de l’ensemble des postures, de la gestualité, des mimiques faciales, auxquels ont recours les primates pour communiquer. Les travaux du couple Gardner sur le chimpanzé Washoe ont permis de démontrer un bon usage de combinaison de mots, la création de nouveaux mots, alors que le gorille Koko échangeait à propos de sa vision de la mort et pouvait témoigner sa tristesse auprès de Francine Patterson. 
Cet échange nous permet de nous immerger dans nos propres origines, celles de l’espèce humaine. Mieux comprendre la communication simienne non verbale peut donc nous informer sur nos propres stratégies de communication dont la scène peut se faire le miroir. — Muriel Basile 

conception: Guillaume Béguin / scientifiques: Erik Gusstafson – éthologue /collaboration: Muriel Basile – éthologue / interprétation: Tamara Bacci, Piera Honegger, Pierre Maillet

Initié et produit par la Manufacture – Haute école de théâtre de Suisse romande, ce projet est réalisé avec la complicité du far°. Il est financé par des fonds spécifiques dévolus à la recherche artistique.